Brève urbanisme #5

Impossibilité de régulariser un permis de construire frauduleux par un permis modificatif.

Le Conseil d’Etat continue de préciser les modalités de régularisation des autorisations d’urbanisme.

Dans l’arrêt ici commenté, un permis de construire autorisant le changement de destination et la réhabilitation d’un ensemble de bureaux pour y construire des logements avait été délivré à une société HLM.

Des voisins ont attaqué ce permis, et soulevaient notamment un vice tiré de ce que le permis avait été obtenu par fraude, en ce que la société pétitionnaire avait déclaré dans sa demande que le terrain d’assiette était constitué d’une seule parcelle. Or, le projet prévoyait la réalisation de cinq places de stationnement sur une parcelle voisine, sans que cela soit indiqué au dossier de permis.

En dehors des mécanismes de régularisation « dans le prétoire » prévus par le code de l’urbanisme, la société avait demandé spontanément, et obtenu, un permis modificatif qui englobait l’ensemble des parcelles qui formaient le terrain d’assiette du projet.

Le jugement de première instance avait alors rejeté la requête des requérants, en considérant que le moyen tiré de la fraude était inopérant, puisqu’il ciblait un vice régularisé par le permis modificatif obtenu.

Saisi en cassation, le Conseil d’Etat devait donc se prononcer sur le point de savoir si un permis de construire obtenu frauduleusement peut être régularisé d’office par le pétitionnaire ?

Dans cet arrêt mentionné aux Tables, le Conseil d’Etat répond par la négative, en précisant que dès lors qu’un permis de construire initial a été obtenu par fraude, l’illégalité qui en résulte n’est pas de nature à être régularisée par la délivrance d’un permis de construire modificatif.
Partant, une telle illégalité peut être utilement invoquée à l’appui d’un recours dirigé contre le permis initial, le fait qu’un permis modificatif ait été délivré ne rend pas un tel moyen inopérant.

Dans ses conclusions sous cet arrêt, le rapporteur public rappelle : « Les liens existants entre le permis initial et le permis modificatif sont si étroits qu’il est donc encore plus difficile de dissocier intellectuellement la régularisation du permis frauduleux : le permis modificatif faisant corps avec le permis initial, le premier conserve d’une certaine manière en lui le caractère frauduleux du second, même s’il remédie aux illégalités l’entachant » (Conclusions M. Janicot, sous l’arrêt commenté)

A RETENIR

Dans cet arrêt, si le Conseil d’Etat ne se prononce pas sur l’éventuel caractère frauduleux du permis de construire initial, il expose néanmoins que l’illégalité qui en résulte ne saurait être régularisée par la délivrance d’un permis de construire modificatif.

Dans une précédente décision du 11 mars 2024 (CE, 11 mars 2024, req. n° 464257), le Conseil d’Etat avait déjà jugé que les mécanismes de régularisation en cours d’instance tirés des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ne peuvent être utilisés par le juge lorsqu’il est saisi d’un permis de construire entaché de fraude.
Tel est donc également le cas lorsque le pétitionnaire spontanément, de lui-même, un permis de construire modificatif
.

Retrouvez ici la décision du Conseil d’Etat (CE, 18 décembre 2024, req. n° 490711).

Impossibilité d’exciper de l’illégalité de la délibération arrêtant le projet de PLU dans le cadre du contentieux dirigé contre la délibération qui l’approuve.

Le Conseil d’Etat complète sa jurisprudence en ce qui concerne les vices qui peuvent être soulevés dans le cadre d’un recours en annulation dirigé contre un plan local d’urbanisme.

Il juge ainsi qu’il n’est pas possible d’exciper de l’illégalité de la délibération qui arrête le projet de plan, à l’appui d’un recours dirigé contre la délibération qui approuve ce plan.

En l’espèce, la délibération approuvant la révision d’un PLU était attaquée par une requérante, en tant qu’elle classait sa parcelle en zone naturelle.

Le Tribunal administratif avait fait droit à cette demande d’annulation partielle, et la Cour administrative d’appel, saisie par la commune, avait annulé le jugement de première instance et rejeté la requête. La requérante s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.

A l’appui de son recours en annulation, elle excipait notamment de l’illégalité de la délibération ayant arrêté le projet de plan, en soutenant que la convocation des conseillers municipaux à la séance au cours de laquelle le projet de plan avait été arrêté, ne précisait pas suffisamment que ce point figurait à l’ordre du jour, et que cette convocation n’était pas accompagnée de la note explicative de synthèse requise (prévue par l’article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales).

Le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord les spécificités qui régissent la procédure d’élaboration ou de révision du plan local d’urbanisme. Ainsi, dans un premier temps, l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale ou le conseil municipal prescrit l’élaboration ou la révision du plan, et précise les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation. Il lui appartient ensuite de débattre sur les orientations générales du plan d’aménagement et de développement durables. Le projet de plan est alors arrêté par délibération, avant d’être soumis aux avis et à l’enquête publique, à l’issue de laquelle le plan est approuvé par l’organe délibérant.

Cela étant rappelé, le Conseil d’Etat expose que le conseil municipal est nécessairement conduit à se prononcer, lors de l’approbation définitive du PLU ou de sa révision, sur le contenu de ce document. Il rappelle également l’absence d’effet propre de la phase arrêtant le projet de plan avant l’enquête publique.

Il en déduit que les éventuelles irrégularités affectant la délibération arrêtant le projet de plan sont sans incidence sur la légalité de la délibération approuvant ce plan et, par voie de conséquence, qu’il n’est donc pas possible d’exciper de l’illégalité de la délibération arrêtant le projet de plan, à l’appui d’un recours en annulation dirigé contre la délibération qui l’approuve.

A RETENIR

Le Conseil d’Etat complète ainsi sa jurisprudence en matière de recours pour excès de pouvoir contre la délibération approuvant définitivement le PLU ou sa révision.

Il avait déjà jugé que les vices entachant la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision du PLU ne peuvent être invoqués à l’occasion d’un recours contre la délibération approuvant le plan (CE, 5 mai 2017, Commune de Saint-Bon Tarentaise, req. n° 388202).
Tel est désormais également le cas de la délibération arrêtant le projet de plan avant que celui-ci soit soumis pour avis aux personnes publiques associées, et à l’enquête publique.

Retrouvez ici la décision du Conseil d’Etat (CE, 27 janvier 2025, req. n° 490508).