Lancement de notre brève « Urbanisme »

L’urbanisme est une des expertises du Cabinet. Nous avons donc décidé de consacrer une brève récurrente à cette thématique. S’appuyant sur le travail de veille de notre équipe dédiée, elle s’intéressera chaque mois à l’actualité de la jurisprudence et aux sujets à retenir. Elle est signée par notre avocate spécialisée, Claire Douvreleur. Nous commençons ce 1er numéro avec 2 décisions récentes de la Cour administrative d’appel de Paris et du Conseil d’Etat :

Extension de la jurisprudence « Thalamy » aux constructions inachevées.
CAA Paris, 2 octobre 2024, req. n° 24PA00362


La Cour administrative d’appel de Paris a étendu le champ d’application de la jurisprudence « Thalamy » aux termes de laquelle, lorsqu’une construction a été édifiée sans autorisation, ou en méconnaissance d’une autorisation, il appartient au propriétaire qui souhaite réaliser de nouveaux travaux, de présenter une demande sur l’ensemble des éléments de construction qui ont eu pour effet de modifier le bâtiment tel qu’il avait été initialement autorisé, et ce même si les travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de construction réalisée sans autorisation (CE, 9 septembre 1986, req. n° 51172).


Saisie de la légalité d’un arrêté de retrait d’une décision implicite de non-opposition et d’opposition à déclaration préalable, la Cour administrative d’appel étend cette jurisprudence en jugeant que « lorsqu’une construction, en raison de son inachèvement, ne peut être regardée comme ayant été édifiée dans le respect du permis de construire obtenu et que celui-ci est périmé, il appartient au propriétaire qui envisage d’y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d’autorisation d’urbanisme portant sur l’ensemble du bâtiment. Dans l’hypothèse où l’autorité administrative est saisie d’une demande qui ne satisfait pas à cette exigence, elle doit inviter son auteur à présenter une demande portant sur l’ensemble des éléments qui doivent être soumis à son autorisation. Cette invitation, qui a pour seul objet d’informer le pétitionnaire de la procédure à suivre s’il entend poursuivre son projet, n’a pas à précéder le refus que l’administration doit opposer à une demande portant sur les seuls nouveaux travaux envisagés ».

A RETENIR

La Cour assimile donc une construction inachevée à une construction irrégulière, alors même qu’en l’espèce, les travaux inachevés avaient été réalisés en vertu d’un permis de construire.
L’arrêt souligne que les travaux ont été interrompus pendant un délai supérieur à une année, entrainant la caducité du permis de construire lors de la reprise des travaux. La Cour a estimé qu’eu égard à son avancement à la date à laquelle le permis de construire s’est trouvé périmé, la construction ne pouvait être regardée comme édifiée dans le respect de l’autorisation initiale.
Partant, la demande d’autorisation de travaux aurait dû inclure l’ensemble du bâtiment.

Retrouvez ici la décision de la Cour administrative d’appel de Paris.


Absence de possibilité de régularisation successives des autorisations d’urbanisme.
CE, 14 octobre 2024, req. n° 471936


A l’occasion d’un contentieux portant sur des permis de construire une centrale photovoltaïque, le Conseil d’Etat a, par un arrêt attendu, précisé le champ d’application de la possibilité de régularisation des autorisations d’urbanisme.
En l’espèce, la Cour administrative d’appel avait sursis à statuer, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, jusqu’à l’expiration d’un délai de huit mois, pour la notification des permis de construire modificatifs régularisant les illégalités précédemment relevées (en l’espèce l’insuffisance de l’étude d’impact et l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale). Estimant que ces irrégularités n’avaient pas été régularisées par les permis modificatifs, la Cour a annulé les autorisations.

La société pétitionnaire s’est pourvu en cassation et arguait notamment que le juge pouvait appliquer de manière successive les dispositions de l’article L. 600-5-1 afin de permettre la régularisation du permis de construire initial.


Le Conseil d’Etat était donc saisi de la question de savoir ce que doit faire le juge administratif, dès lors que la mesure communiquée par les parties ne permet pas de régulariser le vice qui affecte l’autorisation initiale ?
Dit autrement, est-il possible d’user à plusieurs reprises des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme pour autoriser la régularisation d’une autorisation d’urbanisme ?
Le Conseil d’Etat répond par la négative en précisant tout d’abord que, lorsque le juge administratif identifie un vice entachant une autorisation d’urbanisme, il peut faire usage de l’article L. 600-5 de l’urbanisme qui lui permet d’annuler partiellement l’autorisation.

A RETENIR

Lorsque la mesure de régularisation qui est communiquée à la suite de l’arrêt avant-dire-droit est entachée d’un vice qui lui est propre, le juge administratif peut faire, de nouveau, usage de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme et ordonner un sursis à statuer dans l’attente de la régularisation de cette nouvelle autorisation.

En revanche, et c’est là la précision de l’arrêt qui était attendue, lorsqu’une mesure de régularisation a été notifiée après un premier sursis à statuer, et que cette mesure n’est pas de nature à régulariser le vice dont était affectée l’autorisation initiale, le juge ne peut pas faire de nouveau usage de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme. Il lui appartient de prononcer l’annulation de l’autorisation, sans possibilité pour le pétitionnaire d’obtenir un second sursis à statuer.
Le Conseil d’Etat ferme donc la porte à la possibilité de régulariser, de manière successive, une même autorisation d’urbanisme. Les porteurs de projet doivent en conséquence, lorsqu’il est fait usage du sursis à statuer, veiller à ce que le permis modificatif qui sera communiqué régularise l’ensemble des illégalités relevées par la juridiction dans sa décision avant-dire droit.

Retrouvez ici la décision du Conseil d’Etat.